Féru d'archéologie (et d'histoire de l'archéologie aussi), par passion, j'ai décidé de réaliser une étude historique de chaque monument mégalithique présent sur le territoire de mon département (Essonne,91). Cela n'a pas été fait depuis 1975. Je suis actuellement en train de faire une étude sur le dolmen de Janville-sur-Juine près de chez moi. Pour ceux qui habitent dans le coin, n'hesitez pas à aller le voir car il est trés facile d'accés, en trés bon état de conservation. Il est tout simplement superbe !!! (un peu chauvin, le Smooth ?)
C'est un beau dolmen à couloir jadis sous tumulus. Ce dolmen est étonnant de par sa structure car la plupart des sépultures néolithiques de la région sont des allées couvertes, des hypogées ou autres sépultures sous dalle. M. Gruet (1956) le classe dans la catégorie "dolmen angevin" mais aucun auteur ne s'est hazardé à aller plus loin dans son interprétation. Cela soulève quelques questions, efin je pense...
Mais ce n'est pas le sujet de ce post. Je voudrais vous parler d'un ensemble de stries trés interessant que l'on trouve sur la surface supèrieure de la table de couverture (au fond).
Je vous livre ici un condensé de la partie "pseudo-polissoir" de mon étude.
Au début du siècle, les préhistoriens pensèrent pendant longtemps être devant un polissoir.
"En examinant avec soin la face supérieure de la table, nous avons reconnu qu'elle a servi de polissoir. On remarque à l'extrémité ouest une sorte de bassin arrondi où l'eau peut séjourner et tout autour des traces bien reconnaissables quoique un peu effacées, de cuvettes et rainures." (A. de Mortillet, 1895)
Ce ne serait pas exceptionnel, on trouve plusieurs exemples de réutilisation de blocs ayant servi de polissoir pour construire des sépultures mégalithiques. Mais j'ai eu l'occasion de visiter un nombre considérable de polissoirs dans la région et je peux assurer que ces stries sont loin d'y ressembler. Premièrement par leurs dimensions, les rainures des polissoirs néolithiques, (pour être efficaces ?), sont généralement plus longues et larges, les stries du dolmen sont plutot courtes et fines. Ensuite par leur disposition qui semble assez désordonnée (certaines se croisent) et donc peu fonctionnelle en vue d'une action de polissage. Enfin, les rainures de polissage se trouve en général sur des surfaces peu tourmentées (la surface de la table où se trouvent les stries est très cahoteuse). Bien sur, on trouvera toujours des exceptions qui n'entrent pas dans les critères précédemment cités mais je suis intimement persuadé de ne pas être devant un polissoir de haches de pierre. C'est certainement, la présence de plusieurs cuvettes, finalement naturelles (Benard, 1988), qui les a induit en erreur.
Puis en 1975, J. Peek y voit plutot des traces d'aiguisage d'outils en métal. Mais je n'y crois guère. Les traces étaient déjà là lors de la découverte, vers 1860, du monument. Elles ne sont donc pas modernes. Elles peuvent donc avoir été faites à n'importe quel moment à partir du Chalcolithique jusqu'a 1860 et cela sous-entend que la table du dolmen était à nue à ce moment là. Je suis actuellement en train de faire des recherches cadastrales poussées, car le lieu-dit ou se trouve le dolmen s'appelle "La Pierre-Levée" depuis au moins 1816 (Cadastre napoléonien d'Auvers-Saint-Georges) soit au moins 44 ans avant sa découverte officielle. Néanmoins, je ne crois pas que ces stries soit dues à l'aiguisage de lames de métal car, en 1988, Alain Benard émet une hypothèse trés interessante à laquelle, je dois bien l'avouer, j'adhère complètement.
Benard penche pour la réutilisation d'un bloc provenant d'un abri orné de petroglyphes. Ces abris ornés, que l'on trouve essentiellement dans la région gréseuse de Fontainbleau (c.à.d le sud-sud-est du Bassin parisien), sont généralement datés du Mésolithique, période précedent le Néolithique. J'ai alors décidé d'aller en visiter quelques-unes pour voir cela de plus près et il est vrai que la ressemblance est frappante.
Voici par exemple "Le Trou au sarrazin" à Villeneuve-sur-Auvers, magnifique petite géode entièrement gravée, trés accessible et pourtant trés peu dégradée.
Ou encore une autre grotte superbe, "la grotte de Prinvaux" à Boigneville, assez difficile d'accés. 70 cm de hauteur pour 7 m de profondeur (approximatif).
Je pense, comme Benard, que nous avons, ici, un exemple de réutilisation d'un bloc débité d'un abri ornée. La surface de la table ne semble pas avoir été travaillée. Nous sommes surement en présence du sol de l'abri car c'est généralement le plafond et les murs qui sont gravés bien qu'il soit pas rare que le sol le soit aussi. la zone où on trouve les stries était certainement situé à l'entrée comme en témoigne la présence de deux cuvettes naturelles assez profondes. Bien évidemment, ce n'est que pure vue mon esprit.
Je dois bien avouer que je ne m'interesse que trés peu à la période pré-néolithique. A part les bulletin du GERSAR, et quelques écrits de Courty et Lassere, j'ai trouvé assez peu de documentations sur les abris ornés et encore moins sur la relation que pouvait avoir les hommes mésolithiques, mais aussi les suivants, avec ces gravures rupestres trés schématiques. Il semble que encore aujourd'hui, cela semble un mystère bien que certains préhistoriens y reconnaissent parfois des rouelles, des "enceintes", des huttes voire des représentations humaines.
Quand ils se sont installés à cet endroit, les batisseurs du dolmen ont du avoir rapidement connaissance de ces grottes. on trouve, en effet, "la Roche gravée du bois des Fonceaux" à quelques centaines de mètres vers l'est du dolmen et vers l'ouest, à même distance, au pied de la Tour de Pocancy, se trouve la grotte dite "la grotte aux signes" (je n'ai pas encore visité ces deux abris, mais dés les beaux jours, ce sera fait). Ces rainures n'ont pas pu passer inapercu aux yeux des batisseurs, c'est certain.
Ces abris ont-ils été encore utilisés au Néolithique ? y trouve t-on des gravures néolithiques ? Connaissaient-ils la signification de ces signes ou y étaient-ils indifférent ?
Le choix de la dalle semble émaner d'un choix plutot technique et pratique que théologique. Je pencherais pour une indifference et une incompréhension de leur part pour ces gravures. Encore aujourd'hui, le sapiens du 3ème millénaire ne saurait donné une explication universelle et reconnue par tous à la signification de ses signes schématiques et desordonnés datant de plus de 10 000 ans...
En tout cas, ce dolmen nous montre que les néolithiques n'hésitèrent à réemployer des matériaux utilisés par les civilisations les ayant précédées.
ZZzz...ZZzz...
A ce stade, soit ca t'interesses, soit tu dors. Dans les deux cas, tu es gagnant finalement !!! Bref je vous livre ici quelques pensées qui à défaut d'être intéressantes ont l'avantage d'être soporifiques.
Je serais tout heureux de recevoir vos commentaires, rectifications ou autre recadrage.
Alors Polissoir, Affutoir de métal ou Signes rupestres ?