Vidéos de taille du silex

Dilet a écrit:

Spectre , ta comparaison  est judicieuse , elle permet de mieux comprendre le processus de taille ; elle éclaire mieux le comportement du tailleur : je l'imaginais débitant une lame à la demande selon les besoins et pas une série à la suite pour avoir une avance de produits finis .

Dilet,
Pour en avoir discuté avec plusieurs tailleurs expérimentés (et mon expérience perso va dans le même sens), il est très difficile de commencer un débitage laminaire et de le reprendre plus tard, le lendemain par exemple.
Quand on débite un bloc, il existe un auto-entretien des convexités en même temps qu'une logique du débitage (propre à chaque nucléus) qui s'impose également au fil des enlèvements. Rompre cette dynamique, c'est s'exposer à des accidents de taille ou une fracturation plus importante qu'habituellement des produits débités.
Ce facteur, difficile à prendre à compte pour les débitages archéos, explique sans doute en partie la parfaite régularité des très grands débitages (je pense notamment à Étiolles) s'ils ont été pratiqués dans une continuité.

Dilet a écrit:

Autre chose qui m'est apparue en visionnant la dernière vidéo : le siège . Je ne me rappelle pas avoir vu de vidéos ou d'expérimentations avec un tailleur assis par terre ( en tailleur ) , toujours sur une pierre surélevée , un tabouret , une chaise ... Est-ce que le siège ne serait pas à classer parmi les instruments du tailleur ? au même titre que la protection de cuisse ou le percuteur ?
Est-ce que ce n'est pas la seule activité qui nécessite ainsi une position " au-dessus" des autres membres du groupe ? Est-ce qu'il n'y aurait pas , d'un point de vue sociologique , un début de différenciation possible ( l'ancêtre de la chaire , du trône )? Est-ce totalement farfelu ou une hypothèse à creuser ?

Dilet,
Perso, j'ai appris à tailler assis sur une chaise, comme beaucoup de tailleurs actuels.
Ceci dit, assis par terre ou à genoux, le "répondant" de la cuisse n'est vraiment pas le même: le muscle est plus tendu, la cuisse est plus dure et l'onde de choc ne se développe pas de la même manière (dans le cas de figure, évidemment, ou le nucléus est appuyé contre la cuisse.
Le débitage d'éclats de supports (levallois ou laminaires) nécessite souvent un maintient du nucléus.
La main suffit pour les petits supports; mais pour les supports plus longs, on a généralement besoin d'un maintient plus large, ne serait-ce que pour mieux gérer le poids du nucléus.
À l'inverse, le façonnage d'un biface, d'une feuille de laurier... etc, me semble difficile à gérér sans avoir une position à la fois confortable et qui permette d'enchaîner les différentes étapes de leur façonnage.
Quant à la "chaire" ou au "trône" dont tu parles, je pense sincèrement qu'à l'image d'un pianiste qui fait quotidiennement ses gammes, la taille n'est pas quelque chose de difficile. C'est comme tout, c'est un entraînement. S'il devait exister au Paléo sup quelque tailleurs exceptionnels, je suis intimement persuadé que tout le monde devait être capable de réaliser des débitages de petites lames ou de la retouche de supports. Mais c'est une discussion qui commence seulement à poindre dans les recherches actuelles, tout comme la prise en compte de la notion du degré de savoir-faire.

J'aimerai apporter mon petit silex à l'édifice de cette discussion si vous le permettez.

Autant je suis d'accord avec vous pour la production laminaire qui du fait même de la verticalité du geste et son amplitude nécessite une certaine distance entre le nucléus et le percuteur, la position de travail semble nécessiter une assise en hauteur...

Autant pour le bifacial je travaille très souvent directement dans ma main. Aussi à ce moment j'imagine qu'une position assise par terre ne poserait pas de soucis particulier...

Par contre pour la retouche par pression la position assise sur un support est obligatoire pour moi de par l'effet même d'étau des cuisses...

Enfin, ce n'est que l'expérience d'un tailleur qui a pris des habitudes... ne pas oublier le facteur "adaptation" particulièrement développé chez l'être humain! les tailleurs aborigènes taillent en bloquant leur nucléus avec les pieds ou débitent des éclats sur leur talon nu!!!

Salut Brisons-roche,
Tu as tout à fait raison de souligner le facteur de l'amplitude du geste! C'est vrai que c'est quelque chose de très important pour le laminaire; une chose pour laquelle la position assise est donc bien plus pratique.
Pour le bifacial, est-ce que tu travailles dans la main dès les premières phases (décorticage du bloc, ébauche)? Si ce n'est pas le cas, est-ce que tu distingues différentes étapes techniques dans tes façonnages? Est-ce que ces étapes sont inscrites dans différents moments, ou est-ce que tu ne les voies qu'en continu?

J'ai l'impression qu'on a légèrement dévié du sujet initial !


Oh grand modo, tu peux faire quelque chose ?

Brisons-roche a écrit:

Enfin, ce n'est que l'expérience d'un tailleur qui a pris des habitudes... ne pas oublier le facteur "adaptation" particulièrement développé chez l'être humain! les tailleurs aborigènes taillent en bloquant leur nucléus avec les pieds ou débitent des éclats sur leur talon nu!!!

Je me souviens avoir vu le grand Jacques Tixier débiter ses lames en percussion indirecte en bloquant le nucléus sous le pied...

hugo69 a écrit:

J'ai l'impression qu'on a légèrement dévié du sujet initial !


Oh grand modo, tu peux faire quelque chose ?

C'est bien parfois, de dévier...

Je réfléchi ... non ça n'a pas ourtrepassé !

Étincelle a écrit:

Salut Brisons-roche,
Tu as tout à fait raison de souligner le facteur de l'amplitude du geste! C'est vrai que c'est quelque chose de très important pour le laminaire; une chose pour laquelle la position assise est donc bien plus pratique.
Pour le bifacial, est-ce que tu travailles dans la main dès les premières phases (décorticage du bloc, ébauche)? Si ce n'est pas le cas, est-ce que tu distingues différentes étapes techniques dans tes façonnages? Est-ce que ces étapes sont inscrites dans différents moments, ou est-ce que tu ne les voies qu'en continu?

Et bien je dois nuancer, en effet, tout dépend du volume initial du bloc. Pour le bifacial, si je pars d'un bloc ovoide, les enlèvements initiaux au percuteur dur sont fait sur la cuisse... surtout si je dois très rapidement désépaissir, quand on doit dépoter, faut frapper sec et dans la main, le recul encaisse une partie de la force, donc...

après pour les étapes, heu en gros pour moi il y en a trois:
- décorticage etdésépaississement initial par des enlèvement épais et long pour une préparation du volume de travail (percuteur dur)
- désépaississement de la pièce par des enlèvements fins et longs (au percuteur tendre animal)
- retouche et finition du tranchant (petit percuteur tendre)

et heu il me semble se faire en continu... reste qu'une grosse part du travail consiste constamment à observer son bloc et prendre la bonne décision! chaque décision impacte sur le reste du façonnage... enfin je ne fais qu'énoncer des évidences...

Ça me rassure, je croyais que tu travaillais l'intégralité du bloc dans la main...
Grosso-modo, nous avons les mêmes modalités de façonnage!

si tu es rassuré, ça va! lol

faudrait qu'on se rencontre un de ces jours, je ne te connais que par personnes interposées, ça serait sympa un jour de tailler ensemble, j'aime beaucoup voir un autre tailleur travailler, on apprend beaucoup à échanger nos mauvaises habitudes!  

Avec grand plaisir Brisons-roche!
C'est vrai qu'on a rarement l'occasion de tailler avec d'autres tailleurs, alors que c'est toujours très instructif et passionnant!!!